Chap 7: de
1938 à 1948
De 1937 à 1939, toute l'Europe se prépare à un
nouveau conflit avec l'ennemi héréditaire du moment. Par contre, il semble que
la population allemande ne s'attende pas à un déclenchement si rapide de la
guerre. Même Ferdinand Porsche, proche du pouvoir et de la SS, se laisse bercer
par des rêves de records sur le Lac Salé. Il a aussi en tête deux projets très
intéressants de voitures sportives à moteur central arrière. D'abord une sorte
de Lamborghini Diablo qui aurait été la version tourisme de l'Auto-Union
P-Wagen (Type 52 de 1935). Ensuite, une 114 sur base VW dont plusieurs versions
ont été dessinées. Ce dernier projet sera développé après la guerre pour donner
naissance à la 356 Numéro 1.
L'invasion de la Pologne (1939) immobilise définitivement la voiture de record
Mercedes T 80 dont on confisque le moteur pour l'installer dans un chasseur
Messerschmidt 109. Une version compétition de la VW, baptisée 60 K10 (ou Type
64) connaît un sort comparable. Cette première Volks-Porsche était destinée à
une course Berlin-Rome qui n'eut pas lieu à cause du déclenchement des
hostilités. Il s'agissait d'une Cox (à moteur en porte-à-faux arrière) profilée
à l'extrême et dont la surface frontale (maître couple) avait été réduite en
installant les deux places en quinconce. Trois exemplaires furent construits
dont un a survécu et montre que, dès 1938, le concept de la Porsche 356 était
déjà bien défini à Stuttgart
En 1938, Porsche crée une version militaire de la VW, le célèbre Kubelwagen
(Type 82). Le prototype (Type 62) est refusé par la Wehrmacht, qui préfère des
engins 4x4 ou 4x6 plus traditionnels. Les SS qui connaissent bien la volks
choisissent immédiatement le Kubel comme véhicule standard. Ceci rapproche
Ferdinand Porsche de l'état-major SS (déclarations récentes d'Ivan Hirst).
Citons encore la création en 1939 d'un Volkstraktor Porsche réalisé à la
demande de Hitler. Le vrai tracteur Porsche-Diesel ne sera fabriqué qu'après la
guerre.
En 1940, lorsque Hitler arrête les activités civiles de l'usine de Wolfsburg,
les ouvriers décident de sauver l'outil, avec l'accord de Ferdinand Porsche. A
l'insu des autorités militaires, ils démontent certaines machines-outils et les
cachent dans les environs, notamment dans des galeries de mine. Ils veilleront
pendant cinq ans sur ces outils et les ressortiront lorsqu'ils se rendront
compte du désir sincère des autorités britanniques de relancer la production
des Cox. L'avenir leur donnera raison. Grâce à eux, plus de 21.000.000 de petites
VW verront le jour. En faisant cela, sans le savoir, ils contribuaient de
manière essentielle à la création de la future marque Porsche. En effet, les
petites Cox fourniront bientôt les royalties indispensables au démarrage de la
production des Porsche 356.
Il faut aussi citer la création en 1940 de la Schwimmwagen (Types 128 &
166), remarquable voiture amphibie sur base VW.
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A Gmund la N°1 à côté d'une berline
anglaise de l'époque. Sans commentaire! |
Cette 4x4 se distinguait des autres voitures
similaires par l'absence de caisson de flottaison, ce qui explique sa
propension à couler par mauvaise mer. Pendant toute la guerre, les dérivés
militaires de la VW continueront à être fabriqués à Wolfsburg en compagnie de
composants aéronautiques variés. A la fin de la guerre, la production
consistait surtout en bombes volantes V1 et en petits poêles de campagne. La
main d'œuvre était constituée de prisonniers de guerre et de travailleurs
forcés étrangers slaves, dont beaucoup de femmes.
L'admiration que portait Hitler au Professeur Porsche était sans borne. Les
succès presque magiques remportés par les Auto-Union, même aux Etats-Unis,
ainsi que la réussite de la VW-Kdf lui donnaient l'impression que Ferdinand
serait toujours capable de trouver une solution à tous les problèmes
techniques, Or il fallait maintenant gagner la guerre sur terre et Hitler
comptait sur les Panzer. En 1941, Ferdinand Porsche est parachuté à la
direction de la Panzer Kommission et nommé ingénieur en chef de l'usine de
blindés Nibelungenwerk Steyr-Daimler-Puch située à Saint-Valentin (en
Autriche). Ce fut certainement une erreur car, si ses voitures avaient été des
réussites indiscutables, tous les tanks de Porsche seront inférieurs à ceux des
concurrents. Cela débute avec le premier char d'assaut moderne de l'armée nazi,
le "Léopard", commandé en 1938. Le prototype Porsche Type 100,
propulsé par le système diesel-électrique maison, présente déjà tous les
défauts qui allaient caractériser les chars du professeur. Citons: complexité
mécanique, indifférence à l'égard des restrictions en matières premières
stratégiques et recours imprudent à un grand nombre de solutions techniques
révolutionnaires. Cela ne se remarquera pas car le "Leopard" fut
abandonné par Hitler qui décida de munir ses tanks du canon 8.8cm conçu pour la
défense aérienne. Ceci nécessitait une tourelle plus spacieuse et donc la
création d'un char beaucoup plus lourd Ce sera le célèbre "Tiger",
dont la version Henschel sera préférée au Type 101 Porsche. Cet échec fut ignoré
du grand public et le nom de "Tiger" restera pour toujours associé à
Porsche alors qu'en réalité, Il fut conçu par Erwin Aders. La petite série
expérimentale de "Tiger" fabriquée par Porsche sera jugée peu
performante et transformée en médiocres chasseurs de char, baptisés d'abord
Ferdinand (quand Porsche était encore populaire chez les tankistes allemands),
puis Eléphant (allusion à sa mobilité réduite). Peu de ces très vulnérables
blindés sont revenus de campagnes de Russie et d'Italie.
Il y eut aussi un énorme "Tiger 2" (ou "Königstiger") dont
le prototype Porsche Type 180 fut à nouveau rejeté au profit du modèle
Henschel. Pour ce monstre, Ferdinand Porsche avait conçu une splendide tourelle
profilée, très réussie aérodynamiquement, mais dont la forme arrondie du bas
faisait ricocher les obus dans le compartiment du conducteur. En 1942, il y eut
enfin un vrai blindé "pur Porsche", le Type 205 "Mammut",
rebaptisé "Maus" (souris) pour tromper les services de renseignement
alliés. Ce géant était presque inutilisable sur un champ de bataille du fait de
son poids (plus de 180 tonnes) et de sa taille qui en faisait une cible idéale
pour les chasseurs en piqué (il suffisait d'atteindre une chenille pour l
'immobiliser) C'était une sorte de destroyer terrestre ou de bunker à
chenilles, cette utilisation avait d'ailleurs été envisagée dans le cadre du
renforcement du Mur de l'Atlantique. On dispose aujourd'hui de nombreux
documents relatant les essais des deux prototypes du Maus: le roulement et la
maniabilité étaient admirables. Les performances en tout-terrain étaient
excellentes et la vitesse maximum tournait autour des 20 km/ h.
La guerre a dû être une épreuve pénible pour Ferdinand Porsche qui devait
constamment se rendre en Autriche à l'usine de tanks, passer par Wolfsburg (ou
il avait une petite maison bunker, la Porsche Hutte) et retourner à Stuttgart
où se trouvait son bureau d'étude. On sait peu de choses de ce que faisait
Ferdinant pendant ce temps. Il semble qu'il continuera de gérer au mieux le
Konstruktionsburo. En fait peu de choses sont connues sur cette période dont
les archives sont encore inaccessibles et risquent de le rester longtemps.
En 1943, le ciel allemand n'était plus inviolé et les bombardiers alliés
pilonnaient systématiquement tout ce qui avait un intérêt stratégique.
Voulant protéger son ingénieur favori, Hitler incita le Konstruktionsburo à
s'éloigner de Stuttgart, ville très vulnérable aux bombardements du fait de sa
position dans une cuvette. L'équipe choisit de gagner les Alpes autrichiennes,
plus exactement à Gmund en Carinthie où les Porsche possèdent d'importantes
propriétés terriennes. C'est d'ailleurs à Zell am Zee que se trouve leur maison
familiale et le caveau de famille où reposent aujourd'hui Ferdinand et Ferry.
On réquisitionna les vastes bâtiments d'un négociant en bois de construction
qui constituaient un excellent camouflage pour le bureau d'étude. Le transport
du Konstruktionsburo semble s'être fait sans mal, mais l'activité a d'emblée dû
être réduite à Gmund. On a parlé de l'entretien de matériel agricole et de
véhicules variés comme les Kubel. C'est en tout cas ce que les Alliés ont
trouvé à la "libération". Il est probable que les traces d'activités
militaires avaient été discrètement éliminées. De Gmund, la famille Porsche et
les ingénieurs ont dû suivre de loin l'agonie du troisième Reich et la mort de
Hitler dont la protection va brusquement devenir une référence douteuse. De
plus, leur nationalité allemande est maintenant moins appréciée par les
Autrichiens qu'à l'époque des triomphes nazis.
Quoi qu'il en soit, l'arrivée des alliés et la fin de la guerre entretiennent
une période d'incertitude. Les Alliés souhaitent détruire l'industrie allemande
et transformer le pays en nation exclusivement agricole. Ce projet a beaucoup
de partisans aux Etats Unis. Ce qui va sauver l'industrie allemande est la
menace d'une invasion soviétique. L'URSS est alors dirigée par Joseph Staline,
tyran bien plus sanguinaire que Hitler, dont il fut d'ailleurs l'allié au début
de la guerre. Les nations occidentales voient dans une Allemagne puissante un
allié à opposer aux Forces soviétiques. Ceci va sauver Wolfsburg et permettre à
l'industrie allemande de renaître de ses cendres. Néanmoins les Porsche et leur
équipe se trouvent bloqués en Autriche qui est redevenue indépendante de
l'Allemagne. Ce sont donc des étrangers dont les avoirs sont bloqués en
Allemagne et probablement en Suisse. Compte tenu de leur notoriété et de leur
prestige qui est resté curieusement intact, ils peuvent logiquement espérer
qu'un grand constructeur fera bientôt appel à eux. Mais l’époque est
troublée !
La période de la « libération » en Europe est une période sombre de
notre histoire, plus horrible que la guerre elle-même. Les malversations
communistes sont terribles et il s’instaure un régime de Terreur semblable à
celui de la révolution de 1789 : Les voisins sont dénoncés, la délation
explose, les femmes sont tondues, violées, les FFI communistes s’abreuvent du
sang Français. Ils veulent nationaliser l’outil de production, et pour cela,
ils confisquent les industries privées ; on utilise alors fréquemment le
meurtre des industriels propriétaires.
Il est hors de question pour les nouveaux tyrans de
payer 1 centime au Kapital. Afin de transformer les usines Renault en
« Régie Nationale Renault », ils arrêtent Louis Renault, homologue
Français de Ferdinand Porsche. Il est emprisonné et ses bourreaux tortionnaires
l’assasinent dans sa cellule. Le prétexte revendiqué est que les usines Renault
ont continué de fonctionner pendant l’occupation. Résultat : Une marque
prestigieuse, fleuron et gloire de la technologie Française, est offerte au
syndicat communiste CGT qui en fera, à force de guerre et de sabotage, la Lada
occidentale.
Le problème est que Louis Renault travaillait lors de son assassinat à la
construction d’une petite voiture populaire, la 4cv, équivalent français de la
VolksWagen. Il faut un remplaçant !
C'est alors que survient une catastrophe. Ferdinand, agé alors de 70 ans, est arrêté en Juin 45 par les Americains et
interrogé dans un château pres de la frontière du Land de Hesse puis relâché
quelques semaines plus tard, rien dans ses activités avant et pendant la guerre
n’ayant pu lui être reproché. Il est ensuite invité à Baden-Baden par les
français qui veulent son avis sur la 4cv que Renault n’a pas pu finir. En
décembre 1945, il est de nouveau invité mais, suite à un véritable guet-apens,
Ferdinand et Ferry Porsche sont arrêtés par les autorités épuratirces
Françaises, prétextant la manière dont ont été traités les travailleurs
français de l'usine Peugeot de Montbéliard. Cette usine considérée, comme une
annexe de Wolfsburg, produisait aussi du matériel militaire et plus
spécialement aéronautique. On peut toutefois se poser la question de savoir si
Ferdinand Porsche était bien au courant des conditions de travail dans ses
usines. Ceci n'a pas été absolument démontré. D'abord il devait être
constamment dépassé par l'ampleur des problèmes techniques auxquels il était
confronté. D'autre part son emploi du temps devait être véritablement
hallucinant. Avait-il encore l'opportunité de s'occuper du sort de travailleurs
qu'il ne rencontrait probablement jamais? Cet emprisonnement est unanimement considéré
comme injuste.
Cette arrestation intéressé et inique à pour objectif d’obliger le vieux
professeur à finir le travail de Louis Renault concernant le production de la
4cv. Il est traité en criminel de guerre (pas de procès). Il est difficile
d’imaginer à quel point Ferdinand sera maltraité par ses bourreaux. La faim et
les sévices auront raison de sa santé, il ne s’en remettra jamais, et décédera
des suites de ces tortures.
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Le Blindé "éléphant"
photographié en 1943. Ferdinond Porsche est assis sur le côté gauche de la
caisse. |
Son père
en prison, ferry Porsche, rapidement libéré, prend la direction du bureau
d'études et des ateliers de Gmund, Pour cela, il est secondé par sa sœur
Louise, organisatrice efficace et autoritaire.
En 1947, leur notoriété est encore tellement grande qu'ils reçoivent une
commande fastueuse, la construction d'une super monoplace de GP, l'équivalent
moderne de l'Auto-Union de 1932. C'est la Cisitalia. Les fonds obtenus de
l'Italien Dusio seront utilisés pour payer la rançon du Professeur. En même
temps que l'élaboration des plans de la Cisitalia, ferry Porsche lance la série
des 356. D'abord le roadster Numéro 1 (356 001) à moteur central arrière dont
les premiers dessins datent de 1947. Cette N°1 n'est pas encore terminée que
ferry commence à réaliser la deuxième 356 (356 002) qui est un Coupé à moteur
arrière comme la VW Coccinelle, nous en reparlerons dans un mois. La n°l,
première voiture portant le nom Porsche, sera terminée le 8 juin 1948, date qui
sera choisie comme celle pour l'anniversaire de la firme Porsche actuelle.